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« Le plus gros échec est celui de l’absence d’ambition sur la décarbonation »

Interview de Géraldine Pflieger sur la conférence mondiale sur le climat en Égypte

Géraldine Pflieger, politologue de l'environnement à l'Université de Genève, a fait partie, en tant que scientifique, de la délégation suisse à la Conférence mondiale sur le climat COP27 en Egypte. La conférence s'est terminée le 20 novembre. Comment évalue-t-elle les résultats ? Et quel rôle la science a-t-elle joué ?

Géraldine Pflieger
Immagine: Universität Genf

SCNAT : En 2022, de nombreuses urgences climatiques sont devenues visibles dans le monde entier. Et pourtant, les attentes à l'égard de la COP27 étaient faibles. Etes-vous satisfaite du résultat?

Géraldine Pflieger : Comme vous le soulignez les espoirs étaient faibles sur le plan des ambitions de réduction des émissions. En prélude de la COP, nous avons vu les engagements de l’Inde et de l’Australie relevés mais nous sommes encore très loin, collectivement, de la cible des 1,5°c maximum. Le résultat n’en est pas plus satisfaisant, non seulement nous n’atteignons pas l’objectif mais en plus nous avons dû nous battre avec de nombreux pays pour ne pas voir reculer le niveau d’ambitions, des Etats parmi les pays producteurs de pétrole tentant de défendre des objectifs de 2°c, dont il est avéré que les impacts seraient absolument catastrophiques. La cible des 1,5°c a été maintenue de haute lutte avec un langage très minimaliste et sans réel progrès par rapport à la COP26. Nous ne pouvons nous satisfaire de ce résultat.

Quels sont pour vous les points les plus pertinents qui ont été convenus en Égypte ? Et qu'est-ce qui a été raté ?

La COP27 restera celle de la création du nouveau fonds pour les pertes et dommages. Celui-ci vient parachever des années d’élaboration d’initiatives pour soutenir les pays les plus vulnérables. Toutefois, encore beaucoup reste à faire. Qui financera ce fonds ? Le cercle des donateurs sera-t-il ouvert aux grands émetteurs parmi les pays émergents ? Qui sont les pays vulnérables qui seront ciblés ? Quelle devrait être l’ampleur financière d’un tel fonds ? Comment s’assurer qu’il soutient des projets vertueux pour le climat tant en termes de reconstruction, de résilience que de réduction de l’empreinte carbone future ? Toutes ces questions ouvrent un chantier majeur dans les prochains mois.

Le plus gros échec est celui de l’absence d’ambition sur la décarbonation. Rien sur le retrait des investissements dans le gaz et le pétrole, rien de plus que le discours sur le retrait du charbon mentionné dans le pacte de Glasgow en 2021. Aucun objectif affirmé en termes de pic d’émissions alors que nombre de pays appelaient à relayer les messages du GIEC et de l’Agence internationale de l’énergie pour appeler à un pic le plus tôt possible et au plus tard en 2025. Le programme de travail sur l’atténuation a connu des avancées avant tout méthodologique, alors qu’il s’agit de relever au plus les ambitions globales et agrégées.

Est-ce que cela a augmenté ou diminué les chances de rester en dessous d'un réchauffement de la planète de 1,5°C ?

Cela n’a pas augmenté les chances de rester sous la barre des 1,5°c et les a même diminué si l’on considère le fait que, pendant ce temps, les niveaux d’émissions restent au plus haut et que nous avons perdu une année. Notre budget de carbone restant se réduit encore, tout pendant que nombre d’études scientifiques montre à présent que celui-ci n’est plus que d’environ 300 GT pour rester sous la barre des 1,5°c. A un rythme constant de 40GT par an nous l’aurons épuisé en un peu plus de sept années si rien n’est fait pour accélérer la transition.

En tant que scientifique, comment avez-vous pu participer aux travaux de la délégation suisse ? Avez-vous eu des échanges avec d'autres chercheurs ?

Je suis directement impliquée dans les négociations sur la prise en compte des résultats des travaux du GIEC dans le niveau d’ambition global. Cette année 2022 était très importante pour la science avec la publication aboutie des trois rapports du sixième cycle d’évaluation du GIEC. Simultanément, au sein même des négociations, j’ai travaillé à la clôture de la seconde revue périodique de l’atteinte – ou non – des objectifs climatiques à long terme inscrit dans la Convention des Nations Unies sur les Changements Climatiques. L’enjeu était d’une part de s’assurer que les résultats des travaux scientifiques soient pris en compte avec le plus grand sérieux, sans être altérés ou minorés, montrant que nous ne sommes clairement pas sur la voie du 1,5°c. Il était d’autre part de confirmer l’appel à relever le niveau d’ambition rapidement et d’en montrer les voies en termes de sorties des énergies fossiles, comme cela a clairement été fait dans le rapport du groupe III du GIEC. Sur cette thématique, nos objectifs principaux ont été atteints et nous avons su défendre la position de la science dans cette étape clé du processus.

Je suis en permanence en contact avec mes collègues chercheurs, avant, pendant et après la COP. Je les sollicite par téléphone ou par mail en cas de question précise, je fais un reporting précis de mes activités et du bilan de la COP, avec par exemple un webinaire et un Opinion paper à paraitre en décembre dans PLOS Climate.

La délégation est soumise à un mandat du Conseil fédéral. De plus, la délégation est composée de divers membres. Quelle est votre marge de manœuvre en tant que scientifique ?

La délégation travaille effectivement dans le cadre d’un mandat défini par le Conseil Fédéral. C’est ce qui fait que notre travail est légitime et que nous représentons la Suisse. En tant que scientifique, comme pour tout autre membre de la délégation, il est de mon devoir de respecter le mandat défini par un Etat démocratique tel que le nôtre. En revanche, il reste des marges de manœuvre sur la façon dont on va défendre nos positions. Par exemple, sur le thème du 1,5°c et du niveau d’ambition global, la Suisse fait partie des pays qui appellent à un très haut niveau d’ambition. La scientifique que je suis puise dans la connaissance et la science produite par mes collègues suisses ou étrangers les informations pour toujours plus fonder scientifiquement les arguments et les décisions relatives à ce niveau d’ambition.

Lors de la COP en général : le dialogue entre la science et la politique fonctionne-t-il ? Où voyez-vous des améliorations possibles ?

Les scientifiques ont une place réelle dans la COP. Le GIEC a son propre pavillon et organise ses évènements. Les résultats des travaux scientifiques sont très souvent présentés et pris en considération, par exemple lors des séances du Earth Day, dans le cadre de la deuxième revue périodique des objectifs de la Convention, ou dans les échanges en cours sur le premier bilan mondial de mise en œuvre de l’Accord de Paris.

Du côté des améliorations possibles, le changement climatique est un processus qui ne s’arrête pas et qui ne suit pas le rythme scientifique de production des rapports. Il faudrait arriver à penser les conditions d’une mise à jour des connaissances partagées de façon plus régulière et pour permettre de nous tenir toujours prêts. Cela nous aiderait à appréhender les différentes facettes du changement dans une perspective interdisciplinaire, mais également dans sa temporalité. Ce que nous saurons sur le climat en 2023 et que nous ne savions pas en 2022, pour pouvoir sans cesse maintenir la pression nécessaire.

La Suisse n'est pas une pionnière en matière de politique climatique. Comment est-elle perçue au niveau international ?

La Suisse n’est pas pionnière c’est vrai, elle n’a pas spécialement de leçons à donner, mais il y a de toute façon très peu de pays industrialisés dont la politique climatique mérite d’être saluée sans nuance. Dans les négociations, la Suisse conserve une image respectée avec plusieurs mots clés qui en font la signature : la foi dans la science et sa robustesse, la poursuite d’objectifs internationaux ambitieux, la sortie des énergies fossiles, la fiabilité des règles et la transparence du processus. En revanche, il est clair que pour les prochaines étapes de son engagement, le positionnement international de la Suisse est étroitement dépendant du niveau d’objectifs de sa propre politique nationale, de l’échec de la révision de la Loi sur le CO2 en 2021, des prochaines étapes relatives au contre-projet indirect à l’initiative des glaciers. C’est aussi à notre niveau national que se joue la résolution du défi climatique planétaire et la force des positions défendues.

Quelle bonne idée rapportez-vous de la COP27 pour la politique climatique en Suisse ?

Dans le cadre des discussions sur le bilan mondial de mise en œuvre de l’Accord de Paris, nous avons beaucoup partagé entre pays des solutions, des expériences, des pratiques innovantes pour accélérer la transition et la réduction des émissions. Parmi elle, la question de la gouvernance multi-niveau. C’est-à-dire la capacité à emmener – de la commune, aux cantons, en passant par les différents secteurs de l’économie – tous les acteurs d’un état pour avancer ensemble et chacun à sa juste mesure dans un niveau d’ambition partagée. Je pense que, de par sa structure fédéraliste, la Suisse peut devenir un véritable pilote d’une gouvernance multi-niveau tournée vers des objectifs très ambitieux. Nous pourrions ainsi contribuer de façon plus vertueuse, non seulement en termes d’objectifs mais également en termes de méthode à ce problème planétaire, dont les modalités de résolution se posent à chaque niveau.

Entretien réalisé par Marcel Falk.

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